La science est devenue en quelque sorte le dieu du 21ème siècle : une croyance générale a tendance à être que « si la science l’a dit ou l’a prouvé, ce doit être vrai, voire même être l’ultime vérité ». Mais la science, comme tout, évolue, fait de nouvelles découvertes, ou des découvertes parfois contradictoires… Ces dernières années, elle a néanmoins rendu un grand service à la « cause de la méditation » et d’autres pratiques contemplatives en démontrant les bienfaits de ces pratiques. Ce qui est intéressant en ce qui nous concerne, nous qui méditons, c’est que, de la physique quantique à la neurobiologie, en passant par divers autres disciplines et avec des instruments de mesure ultra sophistiqués à l’appui, les chercheurs peuvent effectivement démontrer et expliquer des choses étonnantes – que les yogis et maîtres de la méditation savent depuis des millénaires. C’est extraordinaire ! Mais pour moi, ce qui est encore plus génial, c’est que nous, entre les chercheurs et les yogis, sans la science des uns ni des autres, pouvons tout simplement expérimenter et arriver aux mêmes conclusions. Ces pratiques sont puissantes et elles nous aident dans la grande majorité des cas assez rapidement à nous sentir mieux et à vivre mieux – d’où l’engouement actuel, même si certaines prétentions sont malheureusement exagérées. De plus, si nous ne les amputons pas d’une partie de leur visée, elles pourraient nous aider à aller vers une société plus juste et apaisée qui cultive le mieux-être de tous. Mais dans un monde ou des promesses de méthodes de « bien-être instantané » sont surabondantes, je peux comprendre que certains ont besoin d’une validation scientifique avant de tester – même si ça ne coûte littéralement rien d’essayer. Il faut une certaine régularité pour ressentir les bienfaits et pour maintenir cette régularité il faut effectivement être soit très curieux, soit très convaincu, ou bien très motivé. C’est là où la science entre en jeu, car cette voie d’autorité, celle de la communauté scientifique et les publications scientifiques, inspire confiance.
En ce qui concerne la méditation de bienveillance, maintenant assez communément connue en occident par son nom Pali, metta, et la méditation sur la compassion (qui sont très proches), il m’a suffi de tester moi-même avant d’investiguer la science. Et je suis tellement convaincue que je suis très heureuse de transmettre ces pratiques. Qu’en dit la science ? Je citerai ici simplement quelques-unes des très nombreuses études sur le sujet.
Tout d’abord – et c’est probablement une bonne nouvelle – les recherches ont démontré que les types de méditation qui ont des effets positifs les plus rapides au niveau cérébral sont des méditations de bienveillance et de compassion. Une étude a notamment démontré que seulement sept minutes de pratique d’une méditation sur l’amour bienveillant suffi à renforcer un sentiment de bien-être et de lien social chez la personne qui médite, ne serait-ce que temporairement[1]. Il faudrait, bien sûr, une régularité de pratique pour que cet état temporaire devienne un trait permanent. Ainsi, cultiver l’intention aimante pour le bien-être d’autrui présente un avantage certain : les circuits cérébraux du bonheur se dynamisent.[2] L’amour bienveillant renforce également les connexions entre les circuits cérébraux de la joie et du bonheur et le cortex préfrontal, une zone essentielle pour guider le comportement.[3] Et plus la connexion entre ces régions augmente, plus une personne devient altruiste. La compassion ainsi que la bienveillance (une forme d’amour inconditionnel) sont effectivement des attitudes que nous pouvons cultiver, alors que l’empathie est naturelle.
« La première personne qui bénéficie de la compassion est celui qui la ressent », dit le Dalaï Lama. Des chercheurs à l’Institut Max Planck en Allemagne ont appris à des personnes à faire une méditation sur la compassion (ressentir de l’amour pour des personnes qui souffrent, dans une vidéo) et ont observé qu’après seulement 8 heures de pratique, les circuits neuronaux qui s’activaient étaient les mêmes que chez des parents ressentent de l’amour pour leurs enfants – qui ne sont pas les mêmes circuits que lorsqu’il s’agit simplement de l’empathie. D’autres études ont démontré que les personnes ayant fait des méditations sur la bienveillance et la compassion sont plus promptes à tenter d’aider quelqu’un qui souffre[4].
Une étude par Judson Brewer[5] et ses collègues à l’Université de Yale a démontré une activation réduite du réseau mode par défaut chez des personnes qui avaient une pratique de méditation soutenue – et que ce résultat était encore plus prononcé lorsqu’elles pratiquaient la méditation de bienveillance. Il faut savoir que le réseau mode par défaut est celui responsable du vagabondage du mental, la petite voix dans notre tête qui ne s’arrête jamais et qui est souvent négative ou critique – ce qui a bien sûr des effets toxiques sur notre santé mentale et physique.
Tout cela est sans parler des effets sur notre bien-être de la bienveillance et la compassion pour soi – en premier lieu comme antidote à un fléau dans nos sociétés modernes : la critique intérieure. Mais ça, c’est un autre sujet.
Que tous les êtres soient heureux et en paix.
[1] Centri A. Hutcherson et al., « Loving-Kindness Meditation Increases Social Connectedness”, Emotion 8:5 (2008): 720-24. Cité par Goleman et Davidson dans Altered Traits, Avery, New York, 2017.
[2] Tania Singer and Olga Klimecki, “Empathy and Compassion”, Current Biology, 24:15 (2014): R875-R878. Cité par Goleman & Davidson (op.cit.).
[3] Weng et al., « Compassion Training Alters Altruism and Neural Responses to Suffering”, 2013. Cité par Goleman & Davidson (op.cit.).
[4] D. Batson, Altruism in Humans, Oxford University Press, New York, 2011. Cité par Goleman & Davidson (op.cit.).
[5] Brewer et al., « Meditation Experience Is Associated with Differences in Default Mode Network Activity and Connectivity”, cite par G&D. Cité par Goleman & Davidson (op.cit.).